Thierry de Coster

Le concept des constellations familiales s’est considérablement développé ces dernières années. Si il est avant tout conçu dans un but thérapeutique, son exploitation dans le domaine de l’écriture scénaristique est une découverte spectaculaire et prodigieusement efficace. Le principe des constellations est de mettre en présence les différents acteurs d’une histoire réelle ou fictionnelle dans un espace et un positionnement définis et de les faire évoluer en fonction de ce qui est ressenti par chacun.

Au départ, les participants sont assis en cercle à une certaine distance afin de laisser un espace central suffisant pour « mettre en scène » la constellation. L’auteur de l’histoire, réelle ou fictionnelle, va choisir ses personnages parmi les participants et les disposer un par un dans l’espace. Ce qu’ils incarnent, leurs positions les uns par rapport aux autres, leurs axes de regards, le fait d’être proches ou lointains va avoir une influence considérable sur ce qu’ils vont ressentir les uns par rapport aux autres.  Vous pouvez être à la fois désigné comme acteur ou observateur. La notion d’acteur ne se limite pas à des personnages. Vous pouvez également représenter un objectif, une force, une qualité ou un défaut ou toute autre notion quelconque qui occupe une place dans l’histoire et qui peut avoir un impact sur l’évolution des personnages.  L’animateur de la constellation invite chacun à exprimer à voix haute son ressenti afin que tous l’entendent. Selon ce qui est exprimé par les uns ou les autres, l’animateur  va inviter les acteurs à agir ou s’exprimer afin de provoquer des changements progressifs.

L’animateur porte une très grande responsabilité dans la chronologie des événements. Dans quel ordre donner la parole ou proposer un déplacement ? A quel rythme ?  Comment interpréter ce qui est révélé et comment le faire évoluer ? Pour affiner ses décisions, les qualités d’écoute et d’observation de ce qui se passe en temps réel est déterminant. Même si, au fur et à mesure, des évidences apparaissent pour tout le monde, la faculté de l’animateur à prendre telle ou telle décision sur l’évolution de l’histoire est forcément capitale.

La plupart des constellations provoquent des moments émotionnels intenses. Le groupe a besoin de digérer ce qu’il s’est passé. Pour ceux qui ont vécu des émotions fortes, il faut leur laisser un peu de temps pour retrouver sereinement leurs esprits. Ensuite, chacun, selon ses envies, est invité à donner son avis sur ce qu’il a observé, entendu ou vécu. Ce feed-back du groupe peut également avoir une influence déterminante sur la mise en évidence des forces ou des faiblesses de l’histoire et sur la manière dont l’auteur va se la réapproprier.

La première fois que j’ai participé à une constellation, c’était en 2008. A l’époque, j’essayais péniblement de faire aboutir l’écriture de ma deuxième pièce de théâtre avec Odile Matthieu : « Charges Comprises ». Nous étions en juin. La pièce était programmée au Centre Culturel des Riches Claires à Bruxelles pour octobre. Il nous restait peu de temps et depuis trois semaines, nous étions dans une impasse. Quelque chose coinçait dans la narration et nous ne trouvions pas de solution. Catherine Hudovernik qui s’occupe de la vente de mes spectacles depuis 2006, terminait sa formation en constellation familiale. Elle nous propose alors de traiter notre histoire en utilisant ce principe. Sans trop y croire, nous acceptons, Odile et moi.

Une douzaine de personnes de tous âge et d’origines diverses vont participer à cette séance.

Personne n’est au courant de notre histoire. Après quelques exercices ludiques pour expliquer le principe de constellation, Catherine nous invite, Odile et moi, à devenir simplement observateurs de ce qu’il va se passer. L’un après l’autre, nous allons désigner les personnes qui vont incarner les personnages de notre histoire. C’est notre metteur en scène, Vincent Raoult, qui est chargé de les positionner dans l’espace. Bien sûr, lui, il connaît l’histoire et la manière dont il va positionner les acteurs les uns par rapport aux autres n’est pas anodine. Durant la séance, nous allons nous rendre compte que deux de nos personnages posent un réel problème à l’équilibre de l’histoire. Quelques jours plus tard, après mûres réflexions, nous décidons de virer ces deux personnages et de les remplacer. Le processus d’écriture a été dénoué et en peu de temps, nous avons finalisé notre narration.

Bien sûr, il n’est pas question ici de crier au miracle. Il est certain qu’une constellation ne garantit rien mais on en ressort assurément de précieuses réflexions sur l’équilibre, les forces et les faiblesses ou l’évolution de nos histoires. Que ce soit pour du théâtre, du cinéma, de la chanson ou pour toute forme de création, je suis aujourd’hui convaincu que le concept de constellation est un formidable outil de travail. Depuis lors, j’ai participé à trois journées de constellation, toujours animées par Catherine Hudovernik. Deux d’entre elles faisaient l’objet de démarches thérapeutiques individuelles traitées en groupe. Et la dernière était destinée à des professionnels du spectacle : auteurs, acteurs, comédiens… en traitant principalement des écritures en cours.

J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour le travail de Catherine dans ce domaine. Sa passion pour cette discipline, son expérience, sa patience, son intelligence humaine m’encouragent  à l’accompagner au mieux dans le développement de cette belle aventure artistique et émotionnelle.

Car il est évident qu’il ne s’agit pas seulement d’un bel outil professionnel mais aussi d’un bel épanouissement personnel pour tous les participants.